Alexandrin à la mémoire
J’ai froid, je tremble, j’ai
peur. J’entends les bruits de ma course
Dominant les battements
désordonnés de mon cœur.
Dans cet immense couloir
glacé de silence,
Je fuis, poursuivie par mes
infinies frayeurs.
Laissant derrière mon malheureux
avenir,
Certaine, je me dirige vers
mon passé,
Quand devant une porte m’arrête
troublée :
Vais-je enfin connaître ce
secret souvenir ?
Prés de la cheminée un
vieil homme est assis
Sur les genoux un chat à l’agate
claire.
Sur cet étrange tableau
jouent les lumières
Des flammes dansantes au
couchant de leur vie.
Mordue par le froid je vais
vers ces créatures,
Mi-anges mi-démons, mais
quelle est leur nature ?
Inconsistantes elles
appartiennent
Aux souvenirs, aux mémoires
indiennes.
Pourtant il me semble
manquer quelques personnes,
Juste une ou deux, à cette
idyllique peinture,
Les enfants insouciants
jouant dans la mature,
Roux et brun, blanc et
noir, leur absence résonne.
Le navire incomplet vogue
sans capitaine.
Où est cet être étrange,
froid et transparent,
Cette femme mystérieuse aux
yeux porcelaines,
Insaisissable météorite
filant ?
Encore perdue dans les
méandres rouges
De la mémoire, j’ai quitté
grand-père et chat.
Les longs couloirs qui
inlassablement bougent
Me rapprochent de l’avenir
et du trépas
Sans que jamais je ne
connaisse la vérité,
Infatigablement je fuis
vers mon passé
Pour m’éloigner de mes
éternelles frayeurs,
Et repeindre des couleurs
du bonheur, mon cœur.
La mémoire joue des tours
qui prennent garde
Tours à tours, de ma folle course
au doux regret
Empreint du douloureux
souvenir des bardes
D’antan que chantent encore
les sphères étoilées
De la voûte céleste. Je
vais dans les éthers
Les rejoindre pour enfin
retrouver mon âme.
Ma mémoire fermée au
terrible secret
N’a jamais voulu s’offrir
au doux souvenir
De ce passé heureux empli
de liberté,
De folle insouciance sans
peur de l’avenir.
En vain, aujourd’hui, J’ouvre
les portes vides
De souvenirs, vides de
toutes mémoires.
Et effrayée devant mon
glacial miroir
Et l’image de la vieillesse
et ses rides.
14-07-98