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Grimoire d'une Dragonne
11 janvier 2008

2 - La Transformation de la chrysalide

1

La créature

 

Le jour se levait au-dessus de la ville. Les noctambules rentraient chez eux pendant que les métropolitains se réveillaient et partaient travailler. Les bus commençaient leur balai incessant. La grand-rue, illuminée par les enseignes des boutiques et des bars, s’animait peu à peu. C’était ce moment calme où les lumières naissaient aux façades des immeubles, où les rues sont encore vides mais plus mortes.

L’unique fenêtre du petit appartement donnait sur la grand-rue. Plongé dans le noir, il changeait de couleur avec l’aube : violet, mauve, rose orange puis jaune … La seule source de lumière provenait de l’aquarium posé sur la table. Rien ne bougeait. Seuls les deux poissons nageaient, indifférents, dans leur bocal. L’obscurité ne laissait rien voir de la nudité de l’appartement. Les meubles étaient aussi rares que l’eau dans le désert aride. Un lit dans un coin, le lavabo dans l’autre, entre les deux la table où trônait l’aquarium et les étagères emplies de livres de tous âges, de toutes espèces, tapissant les murs, constituaient l’unique pièce. Les seules ouvertures sur le monde étaient la porte donnant sur un palier sombre et nauséabond et la fenêtre. L’autre porte donnait sur un placard vide. Sans les poissons, un visiteur égaré aurait pu croire l’appartement abandonné. Pourtant une fois ses yeux habitués à l’obscurité, il aurait remarqué la masse plus sombre près de la fenêtre.

Une créature regardait, immobile, la ville qui s’éveillait. Cela faisait des heures qu’elle se tenait comme cela et il se passerait encore beaucoup avant qu’elle esquisse un mouvement. Elle attendait. Elle avait la patience de ces statues hétéroclites du hall de la gare d’Orsay. Les jours, les semaines, les mois et les années ne l’affectaient plus comme autrefois, quand elle était comme eux. Eux qui grouillaient insouciants de ce qui se tramait autour, indifférents aux forces qui jouaient sur le grand théâtre de la vie ; eux, pauvres figurants ignorés et ignorants. Elle attendait sûrement une autre créature ou peut être l’un d’eux. Elle l’ignorait. Elle savait juste qu’elle devait se trouver ici et que quelqu’un viendrait, un jour. Et dés qu’elle la verrait, elle saurait que c’était cette personne qu’elle attendait. Mais pour l’instant elle n’avait rien de mieux à faire que de regarder la pièce qui se jouait devant ses yeux.

Les poissons bougèrent.

La circulation se fit plus dense. Les avertisseurs commencèrent à se faire entendre. Les commerçants levèrent les stores de leurs magasins. Les ménagères descendirent faire leurs commissions. Le calme sembla revenir. La cloche de la cathédrale se mit à sonner les douze coups de midi. La sonnerie des pompiers lui emboîta le pas. Et les voitures revinrent dans un sens. Les odeurs de cuisine se firent sentir. Les voitures repassèrent dans l’autre sens. Et le calme revint un court instant. Les rires des enfants, dans le froid de cet après-midi, carillonnèrent comme autant de flocons de neige dans le ciel de décembre. Et encore le balai des voitures, toujours les odeurs de cuisines. Les lumières renaissèrent sur les façades puis s’éteignirent une à une. Le calme s’installa un moment, juste une sirène perça la nuit, au loin.

Et la créature était toujours à la fenêtre, immobile.

Au coin de la grand rue une petite silhouette apparut. C’était une jeune fille de seize ans, emmitouflée dans un long manteau noir. Une peau caramel, des cheveux roux tels les flammes d’un feu mourant, deux yeux bleus aiguisés qui vous perçaient jusqu’au plus profond de votre âme, constituaient le charmant tableau qui s’offrait à la créature.

L’adolescente se dirigeait, certaine, vers le pont de pierre que l’on devinait au bout de la rue : le pont des suicidés ! Combien de personne les gargouilles du pont avaient-elles vu sauter dans l’eau glauque du delta, là où le fleuve et la mer ne font plus qu’un ? Depuis longtemps le pont avait perdu son véritable nom pour ne devenir que le pont des suicidés. D’un côté la ville, vivante avec ses commerces et ses habitants ; et de l’autre le quartier des usines qui n’était plus qu’un champ de ruines depuis la grande crise, le quartier des exclus, des vagabonds et des criminels. On n’y allait pas sans raison, simplement pour flâner et quand vos pas vous menaient par hasard là-bas, c’était votre inconscient qui vous l’avait dicté : on savait tout de suite pourquoi. C’est donc avec un pincement au cœur que la créature suivit des yeux la marche funèbre de l’enfant.

« Ella tu n’as voulu guérir de tes blessures. Personne n’a pu, n’a su comment t’aider. Et moi comme les autres ! La seule qui le puisse encore saura-t-elle trouver les bons mots ? Et comment le pourrait-elle puisque c’est contraire à tout ce qu’elle représente ! Adieu fillette, je n’aie pas eu le droit de t’aider comme il le fallait. Je suis désolé. »

La jeune fille arrivait sur le pont quand deux autres silhouettes apparurent au coin de la grand-rue. Et leurs pas les menaient tranquillement dans la direction du pont.

« Marleen puisses-tu trouver les mots justes qui feront reculer Ella. Mais comment la mort le pourrait-elle ?

Que ta présence, Ruddy, puisse réconforte Ella.

Bonne chance à tous les deux, sauvez notre petit ange ! »

La créature tourna les yeux loin de la scène qui allait se dérouler. Elle n’y avait aucun rôle à prendre et elle ne devait se détourner de sa tâche présente : attendre la personne qui viendrait. Ce qui allait ce passer là-bas était une autre histoire où elle n’avait plus rien à y faire.

Pourtant la créature quitta sa fenêtre et sortit sur le palier.

 

§


2

Le déchet immonde

 

Voilà plusieurs semaines que Matthias n’avait pas mangé à sa faim et même trois jours qu’il n’avait pas mangé du tout. Encore trois de plus et il ne pourrait même plus se lever pour aller fouiller les poubelles du centre-ville. Il avait de plus en plus de mal à se traîner. L’hiver était là depuis un mois et le froid était de plus en plus rude. Dormir dehors devenait impossible. Mais où se réfugier ?

Avant la crise, les bons samaritains, sûrement pour se donner bonne conscience, ouvraient des refuges pour les sans-abri les mois d’hivers. Et même quelques-uns de ces établissements restaient ouverts toute l’année. Mais depuis la crise il n’y avait plus de bons samaritains, il n’y avait plus que des gens qui avaient du mal à joindre les deux bouts et quelques milliardaires reclus dans des villes conçues que pour eux ! La classe moyenne avait totalement disparue. Le monde dit ’’civilisé’’, l’Occident, l’Asie et

la Russie

n’étaient plus que des champs de ruines : des villes entières abandonnées et qui s’étaient peu à peu transformées en un amas de pierres et de bétons, de grandes régions désertiques et toute la population entassée dans d’immenses métropoles sordides. Combien de bâtiments ayant une histoire, ayant vu passé des siècles et des siècles avaient disparu en 50 ans, sans que personne ne s’en soucie ! Il n’y avait plus rien, que des pauvres gens qui luttaient dans des cités où la violence régnait. Ailleurs, plus personne ou presque, peut-être un millier, survivant on ne sait comment avec rien. Alors, dans de telles conditions, comment penser aux autres et tenir les refuges ? Les rares endroits où une personne sans abri pouvait se réfugier étaient surpeuplés et dangereux, on y mourrait plus facilement que dans la rue.

Alors où se réfugier ? Le moindre trou dans ce quartier en ruines se transformait en petite ville avec ses habitants, ses lois et son chef, où les étrangers n’étaient pas les bienvenus. Et Matthias n’habitait aucun de ses trous.

Là-bas, de l’autre côté du pont des suicidés, il y avait la métropole avec quelques personnes un peu moins démunies que ceux qui n’avaient rien, ici, et quelques commerces. Mais pour ces gens, il n’était qu’un déchet immonde qui devait rester dan son quartier sous peine d’être éliminé. Et d’un côté, ils n’avaient pas complètement tord. Matthias ne ressemblait à plus rien de vivant. On aurait dit un vieillard d’une soixantaine d’années, parcouru par de perpétuels tremblements et rongé par la misère. Il traînait derrière lui une patte folle et une odeur nauséabonde de rance et de pourriture. Tout son être était cabossé et bossu, de longues cicatrices putrides lui lacéraient le corps et le visage. Mais Matthias ne pouvait se résoudre à en finir avec ses jours, contrairement à une centaine de ses compatriotes qui finissaient chaque jour les leurs dans les eaux polluées du delta.

Pourtant, si quelqu’un avait pris le temps nécessaire pour l’examiner plus attentivement, il aurait vu deux yeux bleus pétillants d’intelligence, une soif de vivre y brillant, un jeune homme d’une vingtaine d’année halé par les épreuves et la vie au grand air dont émanait une rage de vaincre. Matthias n’avait rien connu d’autre que cette vie de misère et de souffrance. Il ne se souvenait plus de sa mère, de ses frères et ses sœurs, ni même s’il avait une famille. Depuis son plus jeune âge, il avait dû se battre encore et toujours pour garder sa place dans ce monde de violence. Depuis longtemps la rue était devenue son quotidien et la vie une bataille sans repos et sans amour. C’était de terribles épreuves qui avaient forgé cette silhouette monstrueuse et déformée, qui avaient déterminé cet esprit vif et rageur.

Et pourtant il fallait qu’il trouve un coin pour la nuit et de quoi se nourrir pour pouvoir demain reprendre le combat : une nuit de repos sans dangers pour pouvoir affronter ceux de demain. Il était au bout du rouleau et si ça continuait, il mourait d’épuisement dans un coin.

Alors lentement il se glissa hors de l’obscurité du mur et marcha vers les premiers immeubles du centre-ville. Il traversa le pont sans s’arrêter, sans se perdre en regards inutiles vers ces eaux qui avaient dévoré tant de ses compagnons d’infortune. Sinon, il aurait remarqué un petit corps qui partait la dérive vers la mer et ses rivages lointains. Il passa sans la voir à côté d’une femme froide et transparente qui regardait impuissante ce corps dériver la main posée sur le pelage noir d’un chat.

Quand il fut de l’autre côté du pont, celui de ceux qui ont un toit, il se fit aussi insignifiant qu’il put. Surtout ne pas se faire remarquer ! Il cherchait discrètement dans les poubelles de quoi manger. Dormir restait ce à quoi il aspirait le plus en cet instant.

Jusque là, il n’avait croisé aucune âme qui vive. Seule une petite chauve-souris virevoltait de lampadaire en lampadaire. Sans avoir conscience, Matthias lui emboîta le pas farfouillant de droite à gauche. Ainsi ils arrivèrent devant un immeuble à la mine austère, noirci par des siècles de pollution et dont une odeur de rance et de renfermé s’en échappait. L’animal s’engouffra par la porte pourrissante qu’on avait oubliée de refermer. Matthias s’y engagea à son tour.

En prenant tout son temps il monta une à une toutes les marches grinçantes d’un escalier vermoulu. Il passa devant plusieurs paliers dont toutes les portes avaient été murées. Il arriva ainsi jusqu’au dernier étage où la chauve-souris l’attendait devant la seule porte encore existante. La porte s’ouvrit lentement et l’animal y disparu. Une invitation à entrer ?

Matthias avança vers le gouffre noir qui s’offrait à lui.

 

§


3

La rencontre

 

Ne vivant que la nuit et dans un quartier où les lampadaires avaient depuis longtemps disparus, Matthias s’habitua très vite à l’obscurité de l’appartement. Un aquarium trônant sur une table au milieu de l’unique pièce diffusait une clarté bleutée. Pour le jeune homme cet appartement paraissait si apaisant et si sécurisant qu’il aurait aimé rester là toute sa vie. C’était si calme, seul le mouvement des poissons chantait comme un doux murmure à ses oreilles. Mais qui dit poissons vivants, dit propriétaire de l’appartement. Pourtant il n’apercevait que la chauve-souris suspendue au rebord supérieur de la fenêtre.

Une assiette fumante et un verre d’eau si pure attendaient quelqu’un sur la table. Matthias avait si faim et il n’avait jamais vu d’eau si claire qu’il ne put résistait bien longtemps. Et pour la première fois depuis des années il put mangeait à sa faim et étancher sa soif. Restauré, il observa la pièce.

Le lavabo semblait n’avoir servi depuis fort longtemps, il n’y avait ni réfrigérateur ni réchaud dans le moindre coin. Une épaisseur de poussière recouvrait cet étrange appartement : il avait l’air abandonné et pourtant quelques détails montrer le contraire.

Matthias s’approcha du lavabo, vestige d’un temps oublié. Il vit un savon et une éponge posés sur le rebord. Le lit était recouvert de draps de satin tout neufs. Dessus une serviette d’une blancheur immaculée attendait. Matthias fit une rapide toilette succincte. Il laissa ses vêtements là où ils tombèrent tels un tas d’immondice et se coucha pour sombrer dans un sommeil réparateur.

Que personne ne vint le déranger ne le surpris pas. Matthias pensait avoir plongé dans un rêve heureux. C’est pourquoi il se coucha sans se posait de question tellement qu’il était persuadé de se réveiller quelque part dans son quartier sur un tas de détritus et il voulait profitait au maximum de ce rêve. Quelle ne fut pas sa surprise de se réveiller dans l’appartement quand les premiers rayons du jour naissant vinrent lui caressaient la joue.

- Bonjour, jeune homme. Avez vous bien dormi ?

Tétanisé par la peur, Matthias chercha la voix qui venait de remplir la pièce. Prés de la fenêtre se tenait un homme d’une trentaine d’année qui le fixait d’un vert regard vide. Le jeune homme aurait voulu fuir le plus loin et le plus rapidement possible mais ses vêtements avaient disparus. Les ennuis commençaient !

- Oh, vous chercher peut être les guenilles qui vous tenaient lieu de vêtements ? Je me suis permis de vous en débarrasser. Si vous voulez vous habiller vous pouvez prendre quelque chose dans le placard, là. Mais vous pouvez rester encore au lit, il est très tôt et vous ne me dérangez nullement. Prenez le votre car moi j’ai tout mon temps.

- Qui … êtes-vous ? murmura Matthias d’une voie mal assurée, pas habité à tant de douceur et de respect à son égard.

- Ce serait plutôt à vous de me dire comment vous vous appelez, il me semble ?

- Je … je m’appelle … Matthias. Je … je viens du quartier des … des usines. Hier soir, j’ai … suivi une … chauve-souris qui …

- … vous a mené ici où un bon repas et un lit semblait vous tendre les bras. Je sais.

- Vous savez ?

- Je vous attendais.

- Vous m’attendiez ! … Mais comment saviez vous ? … Comment en êtes vous si sur que c’est moi ? …

- J’ignorais qui, j’ignorais quand. Mais seule la personne que j’attendais pouvait pénétrer ici. Tout autre aurait vu qu’une porte murée comme toutes les autres.

- Que voulez vous dire ?

- Que vous avez pu entrer ici donc c’est vous que je devais rencontrer. Mais du calme. Il est encore tôt, vous êtes fatigué. Reposez-vous. Je vous expliquerai plus tard. Dit l’homme en effectuant un geste circulaire de la main de gauche à droite.

- Que … qui … êtes … vous ? murmura Matthias en sombrant dans un second sommeil.

- Tu le sauras bien assez tôt petit humain. Dors maintenant.

Et souriant, l’homme retourna à son occupation première depuis qu’il était ici : il se remit à fixer le manège incessant de la rue.

 

§


4

Les peuples

 

- … Ainsi le voilà. C’est un être des usines. Bizarre.

- Il me l’a dit.

- Dire que je l’ai croisé sur le pont.

- Mais tu ne l’as pas regardé dans les yeux. C’est signe non ?

- 

- Marleen …

- Je regardais son corps …

- Tu ne pouvais pas la sauver.

- Tu étais là. C’était ta présence que j’ai sentie. Ca t’était défendu pourtant ! Pourquoi n’as-tu rien tentait ? Pourquoi ?

- Pour la même raison que tu n’as pas fermé les yeux quand elle les a fixés, pour la même raison que tu as permis à Ruddy de venir la chercher.

- Elle avait trop mal, elle souffrait trop … il le fallait pour elle, pour lui … ils n’avaient pas le droit de jouer comme cela avec des enfants innocents.

- C’était par leur but. Ils s’y sont mal pris. Ils avaient besoin d’eux.

- Ne leur trouve pas d’excuses ! Tu t’étais attaché aux enfants autant que moi ! Et même plus puisque tu sais ce que c’est que ressentir ! Nous avions notre mot à dire.

- Ils ne nous auraient pas écoutés de toute façon. Ils n’en font qu’à leur tête … Ils les feront revenir quand cela sera nécessaire. C’est juste un contre temps pour eux, pour nous. Tu le sais bien ! Seulement maintenant ils sauront qu’ils ne pourront pas les séparer.

- Puisses-tu avoir raison.

- J’ai raison et tu le sais. Mais tu aimes souffrir pour accepter que Ella soit morte. C’est ton essence même la tristesse et la souffrance. Tu te fais vieille si tu commence à avoir des états d’âmes. Ressaisie toi ou alors repasse le flambeau.

- J’y pense … j’y pense. Mais je n’ai pas encore trouvé de digne successeur.

- Tu me manqueras.

- Comme toi quand tu auras fini de former ce bout d’humain.

Les deux vois finirent par réveiller Matthias. Elles ne semblèrent pas prendre conscience du jeune homme assis dans le lit. Ainsi il put les observer dans la lumière de décembre.

La femme lui faisait face. Elle était vêtue de noir ce qui faisait ressortir la blancheur de sa peau de porcelaine. Une aura inquiétant de mystère se dégageait d’elle. Sa voix grave détonnait par rapport à la fragilité et à la délicatesse qui se dégageait d’elle. De longs cheveux bruns tombaient tout autour de son visage. Il ne pouvait apercevoir ses yeux mais il sentait qu’elle avait le même regard inexpressif de l’homme.

Quant à l’homme, il tournait le dos à Matthias, et là, le jeune homme remarqua un détail auquel il n’avait pas fait attention tout à l’heure. L’homme portait une magnifique paire d’aille dans le dos ! Oh, pas des ailles blanches d’oiseaux comme en ont les anges dans l’imaginaire des peintres et des fidèles ; mais deux ailles comme celles des dragons, des chauve-souris ou même des démons des peintres et des fidèles : deux ailles transparentes parcourues par des veines de lumières iridescentes. Ce n’était pas un être humain !

Matthias reporta son attention sur la femme. Aucune ailles dans le dos. Pourtant Matthias sentait comme une similitude entre les deux êtres, comme s’ils appartenaient au même peuple. C’est alors que le jeune homme remarqua la même lumière iridescente qui parcourait les minuscules veines sous cette peau translucide.

- Qui … qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas humains ! Où suis-je ?

- Tiens notre petit humain s’est veillé. Tu es toujours sur Terre et dans ta ville si c’est ce que tu demande. Nous sommes ce que vous appelez des … anges. Je m’appelle Marleen et voici Shade.

- Des anges ?

- Oh, attention pas à ceux que tu penses. Les anges d’une divinité quelconque n’existent pas, tout comme la divinité en question ! Nous sommes des Etats.

- Des états ?

- Non, Etat, comme avant il y avait des berbères dans le désert, des mongoles en Mongolie et des indiens aux USA. ria Marleen.

- Pas tout à fait, ma chère, pas tout à fait ? renchérit l’homme appelé Shade.

- Matthias connais-tu la planète sur la quelle tu vis ?

- Vous voulez dire que vous êtes des extraterrestres ?

- Non plus. Shade que cet humain est amusant ! Nous vivons sur la Terre depuis plus longtemps que l’humanité. Vois-tu ta planète est peuplée par d’autres êtres que les humains, seulement ces autres peuples sont très discrets et peu nombreux. Il est rare que les humains s’aperçoivent de leur présence. Pourtant ils sont là tout autour de vous mais jamais complètement mêlés avec vous.

- Nous autre, les Etats, sommes là pour guider l’humanité. Marleen est l’Etat ’’mort’’ : croise son regard et tu as droit à un allé simple pour ’’l’autre côté’’. Elle va est vient parmi vous et aide ceux qui le désirent, même inconsciemment, à mourir. Par contre il n’y a pas de retour possible. Ceux qui ’’en reviennent’’ comme vous dites, c’est qu’elle ne les a pas réellement regardés, seulement vu comme elle te voit en ce moment. avisa Shade.

- Shade est l’Etat ’’vengeur’’. Il essaie de réparer les erreurs et les injustices des humains. Malgré son air nonchalant il puise sa force dans sa colère et … la votre. Mais en ces temps troubles son travail est fastidieux. annonça Marleen.

- J’attendais un Créant, une aide pour ma mission. repris Shade.

- … Un Créant ?

- C’est un humain qui a le potentiel pour devenir un Etat. Il y a ceux qui le sont de naissance et ceux qui le deviennent. Tu fais parti de ces derniers. Ils passent par une phase de chrysalide avant de devenir à leur des ’’papillons’’. On ne naît pas humain en mourant forcément humain. Il a un passage, une transformation entre nos deux peuples, comme il y a un passage entre tous les peuples.

- Et vous voulez que je devienne un Créant ?

- Tu l’es déjà. Seule la peur peu empêcher un humain à devenir un Créant. A partir du moment où t’as pénétré dans cette pièce tu as cesses d’être un humain. Mais tu n’es pas encore un Etat, ni même vraiment un Créant. La transformation est longue. Il reste l’acceptation consciente de ce changement. Tu as encore la possibilité de revenir en arrière, de redevenir l’humain que tu étais. Tu l’auras toujours, tout au long de ta vie.

- Je ne comprends pas.

- Je te l’ai expliqué : il existe un passage que tu peux franchir dans les deux sens. Mais comme la transformation est longue et qu’il faut que des paramètres bien précis soit réunis pour que cette transformation puisse commençait, cela n’est pas possible tout le temps mais au moins deux fois dans une vie d’humain.

- Mais tu as tout le temps de réfléchir Matthias. Ici, dans ce passage, le temps ,n’as pas le même impacte que dehors. Ce qui semble une journée peut être un temps beaucoup long, ou beaucoup plus court, c’est aléatoire. Shade et moi nous allons sortir pour te laisser la quiétude pour réfléchir. Shade saura quand tu auras pris ta décision. Je ne sais si nous nous reverrons mais sache que n’auras plus rien à craindre de la mort. Adieu

- Adieu

- Ah, Matthias une dernière chose : tu n’es nullement prisonnier. Si tu refuse ce changement, si tu veux rester ce que tu étais, tu peux quitter cet appartement. Il y a des habits dans le placard. Tu pourras partir tranquillement je ne poursuivrai pas. Ce sera ton choix et je n’ai aucun droit sur ta décision. Quant à garder le secret c’est toi qui vois mais peu de personne croira à une histoire aussi invraisemblable. A plus tard j’espère.

- A bientôt.

Et Marleen et Shade sortirent laissant Matthias bien perplexe. Quelle était cette histoire de fou !

 

§


5

Le destin

 

Matthias se leva tranquillement et s’habilla. Il vint s’asseoir à la table où un petit déjeuné l’attendait. Les premiers croissants qu’il mangeait de sa vie. Regardant la nage des deux poissons, il se mit à réfléchir sur cette matinée peu commune.

« Récapitulons :

Tout d’abord un homme … non un être bizarre, s’appelant Shade, envoie une chauve-souris pour attirer dans un appartement, invisible et qui n’est qu’un passage entre deux mondes, quelqu’un susceptible de l’aider dans une mission qui consiste à réparer des erreurs commises par d’autres.

C’est moi, un humain très commun, sans aucun pouvoir, qui pénètre dans ce passage et qui subit soit disant une transformation pour devenir une espèce de truc avec des ailes de chauve-souris transparentes dans le dos. C’est rassurant de savoir qu’on est une personne pleine de colère puisque cela semble être la première caractéristique pour ce ’’job’’ !

Deuxièmement un être, féminin celui-là, se dit être la Mort et me parle de différents peuples qui vivraient sur Terre et dont elle et Shade font partie. Ils seraient des Etats ou Anges et seraient là pour aider les humains.

Et finalement ils me demandent de devenir l’un d’eux. Et il faudrait que je trouve cela normal !

N’importe quoi. Pourtant je les ai vus de mes propres yeux et ne peux nier leur existence. Voyons qu’ai-je à y perdre et qu’ai-je à y gagner ? Pas grand chose. Je perds une existence miséreuse pour gagner une vie de colère !

Une vie de colère … J’ai déjà une vie de colère ! Il faut que je me batte toujours pour défendre mon existence de misère. Et quoique je fasse je n’arrive jamais à éviter les problèmes. Me battre est ce que je fais de mieux et il faut bien reconnaître que j’aime ça. Si j’ai survécu toute ma vie dans la rue je le dois à un sacré sens de survie et à une grande capacité à me battre. Je suis un bagarreur reconnaissons-le. Donc je ne gagne pas grand chose.

Mais je perds une vie de misère sans autre but que de vivre une journée de plus. Au moins je gagne un but à ma vie, plus noble que ma survie et aussi un ventre rempli tous les jours et des vêtements convenables. Je serai presque un riche sans la fortune qui pourri l’esprit. Et je serai surtout plus utile qu’un riche.

Réparer les injustices … vaste mission … enfin au moins pas de quoi s’ennuyer car il y en a des injustices par le monde.

Se transformer en ce truc bizarre … je suis un humain et fier d’en être un ! Mais rester un être humain sans rien pouvoir faire pour l’humanité ce n’est pas ça être fier d’être un humain. J’en reste un et je ne gagne rien. Je deviens autre chose et je gagne en humanité car c’est la seule façon de pouvoir aider l’humanité. Ainsi je pourrai aider les amis. Les amis … je n’en ai pas d’amis. Les humains m’ont toujours rejeté. Devenir quelque chose qui les aide ou rester un de ceux qui me rejette.

Et puis avoir des ailes permet d’aller plus vite d’un point A à B et de s’échapper en cas de problèmes. Et les problèmes je connais, j’en rencontre tous les jours. Ce serait très pratique.

Apparemment devenir un Etat c’est être presque seul mais ne le suis-je pas, seul, depuis toujours. La solitude s’est le lot de tout être vivant dans la rue comme moi. Ils sont tous seuls, seul parmi la multitude de malheureux. Même dans les trous, même si ils arrivent à constituer une petite ville dans la métropole, ils sont seuls. Au moindre signe de défaillance ceux qui semblaient être tes amis quelques instants plutôt, deviennent tes assassins sans aucun état d’âme. Seul, on l’était toujours alors autant être seul et utile que seul et malheureux … >>

Et Matthias réfléchissait comme il ne l’avait jamais fait de sa vie. La réflexion se n’était pas dans la rue que l’on pouvait l’exercer au mieux. Il fallait tout le temps agir et réfléchir ensuite, si on en avait encore le temps. Cet exercice l’avait donc mit en appétit et il avait dévoré la dizaine de croissants qui étaient sur la table.

Tout à coup, les deux poissons cessèrent leur éternel balai aquatique. Ils restèrent immobiles. Alors Matthias se tourna vers la porte de l’appartement.

 

§


6

Le changement

 

 

L’aube se levait lentement sur la cité. La ville prenait des couleurs pourpres qui doucement levait le voile de l’obscurité. Les fenêtres s’illuminaient petit à petit. Vues du sommet de l’immeuble, elles semblaient constituer un damier lumineux qui s’éclairait et scintillait comme une guirlande dans le noël qui approchait à grand pas.

Matthias suivait avec ses yeux neufs les petits points qui commençaient à sortir de chez eux. Ils ne les avaient jamais observés. Avant, à cette heure-ci il était dans son quartier désaffecté à commencer la lutte pour sa survie. Jamais il s’était demandé comment, ailleurs, les autres pouvaient commencer leur journée. Cette quiétude, pourtant, était très fragile car ici aussi les humains n’étaient intéressés que par leur propre survie.

Mais il était enfin sorti de ce système. Il allait pouvoir se reposer pour un moment. Il fallait qu’il voit autre chose de la vie, de cette vie qu’il devait aujourd’hui réparer avant de pouvoir réparer l’humanité. Il se demandait depuis combien de temps Shade pouvait bien œuvrer dans ce sens.

Shade quand à lui observait ce nouveau frère qu’il allait devoir former aux secrets de l’existence, lui apprendre les pouvoirs, à reconnaître les lignes de forces, à voir les justes et les autres, à voler dans le ciel pollué, à se battre même si en ces temps sombres se serait sûrement la tâche qui prendrait le moins de temps vu que Matthias en savait déjà beaucoup sur la survie dans un monde hostile. Il remarquait les transformations qui s’opéraient déjà sur son nouveau protégé. Le corps de Matthias avait commencé à se redresser. Au moins celui là, il le formait pour lui et pas pour un autre.

Shade se souvenait que son rôle premier était de former des Etats vengeurs qui après partaient accomplir les tâches qui leur étaient dévolu bien loin de sa tâche à lui. Il se souvint de Louna. Ce fut sa protégée il y a cinq siècle. Le monde était alors en plein changement et il lui avait semblait que les humains faisaient tout pour s’améliorer. Il avait pensé cela jusqu’au siècle dernier où il s’était aperçu que les humains en réalité courraient droit à leur perte.

Louna avait été princesse dans sa première existence et sa première élève dans sa seconde. Elle avait choisit d’entrer au service de Liaré, un vieillard qui s’occupait à rééduquer l’humanité. Il était ce que les humain associaient au diable même si dans le fond c’était un être bon soucieux d’améliorer ces petits êtres éphémères. Ce n’était pas un Etat, il appartenait à un autre peuple au dessus de ces derniers. C’était un Etre,. Ce peuple ne connaissait pas la mort, ils étaient éternels. Et éternellement ils pensaient comment améliorer la vie sur Terre, comment empêcher le mal de prendre les humains et les autres sous son aile sombre. Ils étaient la lumières, l’espoir. Tant qu’ils seraient là alors le bien aurait toujours des défenseurs. Ils avaient l’apparence de vieillards séniles qui passaient leur temps assis à chercher des solutions à des problèmes qui n’étaient pas encore apparus. Pourtant Liaré était le seul Etre qui agissait concrètement. Il accueillait sur ses terres ceux du peuple d’en bas ( humains, nains, etc.) pour leur réapprendre le bien, à tous ceux qui avaient oublié. Et Louna l’aidait dans sa tâche en allant chercher ces amnésiques. Et de temps en temps pour faire avancer les choses plus vite, ils choisissait tous les deux un petit humain qu’elle protégeait afin qu’il donne le coup de pouce que l’humanité avait besoin pour sortir de l’impasse où elle se trouvait. Quelques choses lui disait qu’ils n’allait pas tardé à la rencontrer sur leur chemin car l’humanité s’enfonçait de plus en plus. Elle avait besoin d’un sauveur.

- Et maintenant que faisons nous Shade ?

- Nous allons commencer par te former mon jeune ami. Il faut apprendre les secrets maintenant.

- Les secrets ?

- Tu rentre dans une période d’apprentissage. Il y a des forces mystérieuse qui régissent la vie sur Terre. Un équilibre doit être préservé entre toutes ces forces. C’est la tâche qui est dévolu aux Etats. Et puis il va falloir rencontrer les autres peuples.

- Parce qu’il en a encore d’autres que vous … euh … nous ?

- Oui. Et quand ta formation sera finie alors tu seras devenu un Etat et alors ta forme final sera révélée. Comme tu as sûrement remarqué je porte une paire d’ailes alors que Marleen non. Les miennes sont iridescent. Mais ils en existe de toutes les couleurs. Un jour prochain tu rencontrera Louna, une de mes anciennes élèves, elle est dotée de deux paires d’ailes noires. Tu vois il y a beaucoup de diversité parmi nous, et donc nous ne pouvons pas encore savoir à quoi tu ressembleras. C’est en quelque sorte tes actes et ton but dans ta nouvelle vie qui dicterons ton apparence.

- Suivant si je suis bon ou pas ?

- En quelques sortes. Mais nous autres les Etats n’œuvrons jamais pour le mal. Nous laissons cela aux humains. Ils en font assez autour d’eux. C’est le bien que nous devons protéger afin de préserver l’équilibre.

- Mais si j’échoue ?

- Tu raisonne encore en humain, Matthias. Ne t’en fais pas je suis là pour te guider. Ne pense plus à tous ça pour l’instant. Nous allons voir les autres peuples. Accroche toi à moi.

- Pourquoi ?

- Tu n’as pas encore d’ailes. Comment veux tu voler si je ne te porte pas ?

Et Shade attrapa Matthias dans ses bras et ils s’en volèrent pour ces espaces vierges d’humains où les autres peuples s’étaient réfugiés.

 

Mais la suite appartient à une autre histoire.

 

FIN

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Grimoire d'une Dragonne
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